La Haute-Savoie et nos montagnes ont vu naître et disparaître de nombreux métiers au fil des siècles. Ces métiers ont joué un rôle crucial dans le développement économique, agricole et social de la région. Voici quelques-uns de ces métiers, aujourd’hui quasiment tous disparus :
Agricultures et animaux
Le molardier
Le molardier, bien que méconnu et souvent sous-estimé, jouait un rôle crucial dans l’agriculture de l’époque. Chargé de transporter le fumier, ou “molards”, il assurait la fertilisation des champs, garantissant ainsi des récoltes abondantes. Avec son chariot tiré par des chevaux et son chargement odorant, il parcourait les fermes et les villages, apportant avec lui la richesse nécessaire pour nourrir les sols.
Ce métier, certes peu glamour, n’en était pas moins indispensable et malgré les odeurs et les défis du quotidien, le molardier était respecté pour sa contribution vitale à la communauté agricole.
Le bourrelier
Le bourrelier, véritable artisan du cuir, était indispensable dans les communautés rurales. Il fabriquait et réparait les harnais et colliers pour les animaux de trait, essentiels à l’agriculture. Mais son talent ne s’arrêtait pas là : il créait aussi de magnifiques cloches pour les troupeaux, finement décorées, permettant aux bergers de localiser leurs animaux dans les vastes alpages. Le bourrelier était un personnage respecté dans les communautés rurales pour son savoir-faire et son rôle essentiel dans l’agriculture.
Aujourd’hui, bien que ce métier soit moins courant, quelques rares bourreliers et bourrelières perpétuent cette tradition en Haute-Savoie. Ils façonnent toujours le cuir et les cloches et partagent avec passion leur savoir-faire ancestral.
Réparation et entretien
Le magnin
Le magnin, aussi connu sous le nom de rétameur, était un artisan itinérant dont l’habileté à redonner vie aux ustensiles de cuisine en métal était sans égale. Armé de ses outils, il parcourait les campagnes, faisant résonner le son de ses marteaux et enclumes là où il s’arrêtait. Son travail consistait à réparer casseroles, marmites et chaudrons, prolongeant ainsi la vie de ces objets indispensables au quotidien.
Le magnin était un véritable personnage de la ville, apportant non seulement ses compétences techniques, mais aussi des nouvelles et des histoires des villages voisins.
Le raccommodeur de vaisselle
Le raccommodeur de vaisselle, figure emblématique des petits métiers d’autrefois, parcourait les villages de Haute-Savoie avec sa boîte à outils en bois. Spécialisé dans la réparation des assiettes, bols et autres récipients en porcelaine ou en faïence, il recollait les morceaux avec une colle spéciale et consolidait les réparations avec des agrafes en fer. Grâce à ses techniques ingénieuses, il offrait une seconde vie aux objets cassés, évitant le gaspillage et permettant aux familles de conserver leurs biens précieux, souvent chargés de souvenirs.
Le rémouleur
Le rémouleur arpentait les villages avec sa meule, redonnant tranchant et efficacité aux couteaux et ciseaux des ménages. Son arrivée était toujours attendue avec impatience, car des outils bien aiguisés étaient indispensables pour les travaux quotidiens. En échange de quelques pièces, il offrait une nouvelle vie aux lames émoussées. Avec son attirail bruyant et ses gestes précis, le rémouleur transformait les places de village en ateliers improvisés. Grâce à lui, même le pain le plus dur n’avait aucune chance…
Transport et commerce
Les bacounis
Les bacounis, nom donné aux bateliers du lac Léman, étaient les véritables maîtres des eaux entre la Haute-Savoie et la Suisse. Transportant une variété de denrées, ils étaient surtout connus pour leurs cargaisons de bois de chauffage et de matériaux de construction, notamment les célèbres pierres de Meillerie.
Entre le 19ᵉ et le 20ᵉ siècle, environ 50 barques faisaient en moyenne 80 allers-retours par an entre Meillerie, près d’Évian, et Genève. Les carrières de Meillerie, avec leur calcaire renommé, ont fait la fortune de ce petit port et de ses tailleurs de pierre, tout en assurant la prospérité de ses bateliers.
À Meillerie, les bacounis formaient un clan distinct, une sorte d’aristocratie du lac, respecté et parfois craint. Réputés pour leur forte personnalité et leur robustesse, ils étaient aussi connus pour leur penchant occasionnel pour la boisson. Il n’était pas rare de les voir célébrer une traversée réussie avec une bouteille de vin à la main.
Le coquetier
Le métier de coquetier était essentiel pour la vie rurale et urbaine d’antan. Le coquetier arpentait les fermes dès l’aube, à la recherche des œufs les plus frais et des volailles les plus dodues. Son sens aiguisé de la qualité lui permettait de sélectionner les meilleurs produits, garantissant ainsi aux ménagères et aux restaurants du centre-ville des ingrédients de première fraîcheur. Son charriot débordant d’œufs et de poulets était une véritable attraction sur les marchés locaux, où il était souvent accueilli avec enthousiasme.
Le coquetier, c’était aussi un peu le confident des fermiers, partageant nouvelles et potins tout en troquant des œufs contre quelques denrées ou services. Il n’était pas rare qu’il serve de messager entre fermes isolées, transportant des nouvelles d’une famille à une autre, souvent plus rapidement qu’une lettre officielle.
Le colporteur
Le colporteur, figure emblématique de la Savoie, arpentait les villages et hameaux avec une immense caisse à tiroir débordante de trésors. Ces marchands étaient essentiels, car ils apportaient des biens rares et précieux dans des régions isolées. Imaginez-le, chargé comme un mulet, sa caisse dépassant sa tête, criant fièrement ses marchandises : “Étoffes colorées ! Livres fascinants ! Quincaillerie indispensable !”.
Son bâton, véritable couteau suisse, servait à la fois de support pour ses pauses (car les colporteurs ne posaient jamais leur caisse, bien trop lourde à remettre ensuite sur leur dos) et de présentoir pour ses articles.
Pour attirer les clients et les faire ouvrir leur porte, il n’hésitait pas à raconter des anecdotes et des histoires. Certains colporteurs, grâce à leur habileté et leur charisme, firent même fortune et contribuèrent à la construction de chapelles et d’églises dans leur village natal.
Alimentation et boisson
Le pattier
Le pattier, véritable artisan du goût, exerçait un métier crucial à une époque où la conservation des aliments relevait du défi. Armé de ses couteaux bien aiguisés, il découpait minutieusement la viande en petits morceaux avant de les sécher avec soin. Ces précieuses pattes de bouillon, étaient l’ingrédient secret des bouillons savoureux qui réchauffaient les foyers et réconfortaient les âmes en période de grand froid. Grâce à lui, une simple marmite d’eau pouvait se transformer en un festin.
Certains disaient même que les bouillons des meilleurs pattiers avaient des vertus incroyables, capables de guérir les rhumes les plus tenaces et de redonner vigueur aux plus fatigués. On pourrait dire que, sans lui, nos ancêtres auraient bien pu finir par boire de l’eau chaude tristement fade tout l’hiver !
Le bouilleur ambulant
Les bouilleurs de cru, véritables alchimistes des campagnes, parcouraient les villages avec leurs alambics pour transformer les fruits en eau-de-vie. Chaque village avait son bouilleur attitré qui, à l’aide d’un vieil alambic, distillait les récoltes des agriculteurs. Pommes, prunes, coings et bien d’autres fruits passaient par leurs mains expertes pour devenir des nectars précieux.
Ce métier exigeant et épuisant nécessitait une attention constante et une grande maîtrise du processus de distillation. Bien sûr, ces alchimistes ne pouvaient résister à l’envie de goûter chaque précieux nectar, ce qui signifiait qu’ils consommaient pas mal d’alcool fort au passage !
Aujourd’hui, quelques passionnés perpétuent encore cette tradition, bien que le métier soit désormais beaucoup plus réglementé : être bouilleur n’est possible uniquement que si vous êtes récoltant. La Distillerie des Aravis à La Clusaz vous propose de découvrir ce métier plus en détail ainsi que les produits qu’ils fabriquent sur place.
Photo des colporteurs © collection-jfm.fr