Au cœur des Alpes, en Savoie comme en Haute-Savoie, les vallées et les montagnes sont imprégnées de contes et de légendes qui traversent les générations. L’une des plus connues est celle de l’Or des Fées, une histoire dans le Val de Maurienne.
Les bases de la légende
L’histoire se déroule dans le Val de Maurienne, où s’élèvent les imposantes murailles d’une forteresse imprenable, dominant les Alpes. Les trois plus hautes tours du château semblent presque toucher le ciel, formant des pyramides de pierres, sculptées de la main de Dieu. Selon une vieille légende, des fées résident dans cette bâtisse mystérieuse, connue sous le nom des Aiguilles d’Arves.
Ces fées, appelées les Fayes en patois, sont des femmes d’une grande beauté, des êtres surnaturels aux silhouettes irréelles qui n’apparaissent qu’à la tombée de la nuit. Très discrètes, peu de gens ont eu la chance de les rencontrer. On raconte que leur beauté incomparable peut ensorceler les hommes, les entraînant jusqu’au sommet de la montagne. Seuls les jeunes bergers et bergères, protégés par l’innocence et l’insouciance de leur âge, pourraient les apercevoir sans danger.
La bergère et la fée
Notre histoire commence il y a bien longtemps avec une jeune bergère du Val de Maurienne. Chaque jour, elle gardait son troupeau de moutons dans les pâturages des montagnes. En fin de journée, lorsque l’Étoile du berger, ce minuscule astre orangé, apparaissait, c’était le signal qu’il était temps de rentrer.
Un soir, alors qu’elle s’apprêtait à redescendre avec son troupeau, elle trouva une très jolie femme assise au bord du chemin. Cette femme était d’une beauté incomparable, avec un visage fin au teint pâle comme une fleur d’edelweiss, de longs cheveux brillants descendant en cascade le long de son dos, et vêtue de draperies de soie ondulant jusqu’à ses pieds. C’était une Faye, mais la petite bergère ne le savait pas, n’ayant jamais vu de près une dame aussi belle.
La demande de la fée
La Faye lui dit d’une voix douce : “Petite bergère, sais-tu que ce soir, c’est la pleine lune ? S’il te plaît, viens m’aider à étendre ma lessive pour que le clair de lune sèche mon linge. Je n’y arriverai pas seule.” Comme envoûtée par la beauté de la fée, la jeune bergère la suivit sans un mot et commença à gravir le sentier escarpé.
Au sommet, elles découvrirent de grandes panières remplies de vêtements de fée. Ensemble, elles se mirent à étendre les étoffes mouillées sur de vastes plaques de roche. La lune se leva lentement, projetant sa lumière argentée pour sécher les tissus. Ce n’étaient que des vêtements de soie, de mousseline, de dentelle, jamais notre petite bergère n’avait touché des tissus aussi doux et délicats.
Une récompense inattendue
Une fois la tâche accomplie, les deux femmes redescendirent le chemin. La bergère s’apprêtait à partir quand la fée l’arrêta : “Attends ! Tout travail mérite une récompense !” Elle remplit alors la poche du tablier de la bergère de feuilles de frêne, fines, sèches et plates comme si elles avaient été repassées, en lui assurant qu’elles avaient une grande valeur. “Voilà ton paiement jeune fille et merci,” dit-elle avec un sourire. Perplexe, mais polie, la bergère accepta le présent, remercia la fée et continua son chemin avec ses moutons.
En route vers son village, les moutons commencèrent à s’éparpiller. La jeune bergère, tentant de rassembler son troupeau, trouva la poche de son tablier trop lourde et gênante pour courir ; celle-ci tapait contre ses genoux et elle manquait de tomber à chaque pas. Pensant que les feuilles étaient sans importance, elle décida alors de les jeter, ne se doutant pas de leur véritable nature.
De retour au chalet…
Lorsqu’elle eut enfin rassemblé ses moutons, elle retrouva le chalet dans lequel vivait sa grand-mère qui l’attendait. À l’heure du dîner, elle allait partager la soupe quand elle plongea les mains dans sa poche. Elle alors sentit quelque chose de dur et sortit soudain trois petites pièces d’or de son tablier. Trois feuilles, oubliées au fond de sa poche, s’étaient transformées en Louis d’or. Ébahie, la grand-mère regarda les pièces et demanda à sa petite-fille : “Mais d’où les sors-tu ?!” La petite bergère commença alors à raconter sa rencontre avec la fée, le linge étendu et le tas de feuilles en remerciement.
Sans perdre une minute, les deux femmes prirent une vieille lanterne et remontèrent le long du chemin. La bergère se rappelait très bien l’endroit où elle avait vidé son tablier et elle rêvait déjà de ce tas de Louis d’or. Mais, en arrivant sur place, les deux femmes ne virent ni feuilles, ni pièces. Elles cherchèrent toute la nuit, mais en vain, celles-ci avaient déjà disparu, emportées par le vent…
La morale de la légende
La légende de l’Or des Fées nous enseigne plusieurs leçons : l’importance de la générosité et la valeur des petits gestes. Chaque acte de gentillesse peut venir sous une forme inattendue, nous rappelant de ne jamais sous-estimer les petits dons.