Les projets d’aménagement de la montagne font parfois parler. C’est le cas de deux d’entre eux en Haute-Savoie. Nous parlons ici de la retenue collinaire de La Clusaz et de la station nordique 4 saisons du plateau de Cenise. Retour sur ces projets contestés à proximité d’Annecy.
Retour sur l’aménagement de la montagne
Le développement du tourisme de montagne date de la fin du 18e siècle. À cette époque, nous assistons à un désenclavement progressif des vallées alpines. En parallèle, une nouvelle vision de la montagne émerge, bien loin de celle surnaturelle et hostile qui lui était conférée jusqu’alors. Dans un premier temps, le tourisme vise une clientèle fortunée. Il s’articule autour de deux volets : le thermalisme et le tourisme scientifique. Peu à peu, il prendra une forme plus sportive.
Dès la fin du 19e siècle, le tourisme de montagne se démocratise. Le chemin de fer se développe, de même que la pratique des sports d’hiver. Ces derniers s’imposent au fil des années comme une activité autonome et la France compte plus de 140 stations à la veille de la Seconde Guerre Mondiale. En 1924, Chamonix accueillera même les Jeux Olympiques d’hiver.
La loi Montagne, pour concilier développement et protection
Devant l’aménagement de la montagne et le développement des stations de ski, la loi Montagne est votée en 1985. Elle concerne plus de 5 000 communes en France et a pour objectif de mieux concilier développement et protection des territoires de montagne. Elle préfigure une politique de développement durable des espaces montagneux.
Concrètement, 3 droits essentiels sont développés dans la loi Montagne :
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Le droit d’expression. Il correspond à la mise en place d’institutions.
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Le droit à la solidarité nationale. Le Fond d’Intervention pour l’Autodéveloppement en Montagne (FIAM) est mis en place.
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Le droit à la différence. Il se traduit par des dispositions spécifiques en matière d’aménagement et d’urbanisme.
En 2016, la loi Montagne a été complétée. Cet acte II vise alors à rappeler les spécificités des territoires de montagne, afin d’éviter la banalisation et la dissolution de la notion de zone rurale. La montagne verte est davantage prise en compte. Pourtant, certains projets d’aménagement rencontrent une forte opposition en Haute-Savoie.
Le projet de retenue collinaire de La Clusaz
Le premier projet faisant couler de l’encre en Haute-Savoie est celui de la retenue collinaire de La Clusaz. Il s’agirait de la cinquième aménagée au sein de la station. Cette fois, elle se trouverait près du bois de la Colombière, du côté du Plateau de Beauregard. Cette retenue d’eau aurait deux visées : produire de la neige de culture, à raison d’une capacité de 98 000 m3 et l’alimentation en eau potable du village, soit 50 000 m3 d’eau. L’idée est ici d’anticiper les besoins des habitants de La Clusaz en eau potable à l’horizon 2040. Mais les opposants au projet sont nombreux.
Un projet à rebondissements
Il y a bientôt un an, le 19 octobre 2021, la commission d’enquête publiait ses conclusions quant à ce projet. Et l’avis émis était défavorable. Pourtant, le conseil municipal a tenu bon et n’a pas renoncé à son projet. Ce, malgré le positionnement de personnalités publiques, de sportifs ou de la Mission Régionale d’Autorité Environnementale et la pétition ayant recueilli 51 000 signatures.
Le 19 septembre 2022, un arrêté préfectoral a été publié. Il déclare le projet d’aménagement de la retenue collinaire comme d’utilité publique. Une décision attendue, mais redoutée par les opposants.
Depuis le 24 septembre, plusieurs dizaines de militants se sont installés au bois de la Colombière. Cette Zone à Défendre (ZAD) mise en place au pied levé a pour but de protéger les lieux jusqu’à ce qu’ils ne soient plus menacés. Petit à petit, des cabanes fleurissent dans les arbres. La “Cluzad” est la première ZAD créée dans les Alpes françaises, en altitude.
Le mardi 25 octobre, le tribunal administratif de Grenoble a suspendu l’arrêté du Préfet de la Haute-Savoie. L’autorisation de travaux est donc suspendue, dans l’attente d’un jugement de fond. Il concernera la déclaration d’utilité publique faite par la préfecture.
Vers un dérèglement du bassin versant et de la biodiversité
Pour les opposants au projet de retenue collinaire sur le site du bois de la Colombière, cet aménagement présente des risques pour le bassin versant, qui risque un dérèglement. Or, cela peut avoir des répercussions sur les milieux naturels et les paysages. 58 espèces animales protégées sont ainsi menacées, à l’exemple de la chevêchette d’Europe ou du triton alpestre. Quant aux tourbières, elles ont pour rôle de filtrer l’eau et de ralentir son écoulement afin de limiter le phénomène d’érosion. La détruire pourrait donc avoir des répercussions sur le long terme.
Une station nordique 4 saisons au plateau de Cenise ?
Autre projet d’aménagement en Haute-Savoie, autres contestations. Nous parlons ici du plateau de Cenise, à cheval sur le Mont-Saxonnex et Glières-Val-de-Borne. L’idée est ici de créer une station nordique 4 saisons qui comprendrait :
- Des pistes de ski de fond utilisables en hiver comme en été
- Un espace débutant dédié au ski alpin
- Un télésiège ou une télécabine
Récemment, le syndicat mixte s’est retiré du projet après avoir voté contre. Le Département de la Haute-Savoie se retrouve donc seul à mener la barque. L’étude de faisabilité devrait bientôt être lancée.
La création d’un collectif “Sauvons Cenise”
Afin de dénoncer ce projet touristique, un collectif a été mis en place. Il répond au nom de “Sauvons Cenise” et dénonce un aménagement ne prenant pas en compte le changement climatique. Car le plateau se trouvant à 1 700 mètres d’altitude, rien n’assure qu’il soit encore suffisamment enneigé dans les années à venir.
Par ailleurs, les opposants mettent en avant la nécessité de protéger un site naturel sensible et inscrit en tant que zone Natura 2000. Cet Espace Naturel Sensible (ENS) accueille de nombreuses espèces animales et florales. Jusqu’à présent, le plateau de Cenise a su rester à l’écart des infrastructures touristiques. Une tendance que souhaite conserver le collectif “Sauvons Cenise”. D’autant plus que cet espace est apprécié des randonneurs, en plus d’être un lieu de pastoralisme.
Une pétition demandant l’abandon du projet a été créée. Elle a déjà recueilli plus de 32 000 signatures.